"Parler soit de révolution soit de ruine est excessif", a déclaré jeudi soir le ministre français de l'Agriculture, Hervé Gaymard, sur LCI. "Cessons d'avoir peur", a-t-il ajouté pour rassurer les agriculteurs. Pour lui, il s'agit d'un "accord qui sauvegarde à long terme les intérêts de l'agriculture française". "Je suis profondément déçu de la nouvelle politique agricole commune mais pas abattu. Ce sont les libéraux qui ont gagné", a déclaré pour sa part Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, le premier syndicat agricole français, traduisant le sentiment d'ensemble en France alors que le commissaire européeen à l'Agriculture Franz Fischler affirme qu'elle ouvre une "nouvelle ère". Une partie des agriculteurs français aidés - 7,7 milliards d'euros par an d'aides directes en provenance de Bruxelles - sera touchée par la baisse de ces aides même s'ils pourront en récupérer une partie des sommes prélevées pour le développement rural. L'institution du "paiement unique à l'exploitation" - fusionnant une grande partie des aides actuelles - devrait notamment entraîner l'officialisation des "pas de porte", actuellement pratiqués sous le manteau pour la reprise de certaines exploitations, estime-t-on à l'Apca (Assemblée permanente des chambres d'agriculture). Les producteurs laitiers riquent d'être les plus touchés par cette réforme car ils devront encaisser la baisse des prix d'intervention dans leur secteur, comme les riziculteurs, même s'ils sont assurés de voir maintenus les quotas de production jusqu'à la campagne 2014-2015. Les producteurs de bovins craignent la possibilité laissée, à partir de 2005, à chaque pays "d'apporter des soutiens différenciés, ce qui risque d'entraîner des distorsions de concurrence et par conséquence des baisses de prix dans notre pays", estime Pierre Chevalier, le président de la Fédération nationale bovine (FNB). Ce sont les producteurs de blé français qui se montrent les moins mécontents - cachant même difficilement leur soulagement - de l'accord de compromis intervenu entre les Quinze, surtout parce que la Commission européenne a renoncé à diminuer les prix d'intervention dans ce secteur alors qu'ils sont les plus grands bénéficiaires de ce système et que les terres "gelées" pourront continuer à porter des cultures non-alimentaires, notamment énergétiques. Les producteurs de maïs sont surtout soulagés d'avoir pu garder leurs "compensations spécifiques" et plaignent plutôt leurs collègues espagnols qui riquent de perdre 2 millions d'hectares consacrés à cette culture. Les producteurs des fruits et légumes ont retrouvé le sourire en apprenant, contrairement à leurs craintes initiales, que les hectares aidés des "grandes cultures" ne pourraient pas, s'ils veulent continuer à toucher l'argent de Bruxelles, être consacrés à la culture de fruits, légumes, pommes de terre ou être plantés de vignes. Enfin, toutes les organisations agricoles, dont aucune n'a appelé à des manifestations au cours des prochains jours, espèrent que l'Europe ne cèdera pas à des demandes des Etats-Unis lors des négociations de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) à Cancun (Mexique) en septembre. |